Quand j’étais dans la vingtaine, comme beaucoup d’entre nous, j’avais des rêves de grandeur. C’était aussi la période des startups, et j’étais heureux d’en avoir fondé une et de participer à plusieurs projets similaires. C’est d’ailleurs à travers ce type de projet que j’ai découvert Laravel, cette technologie que j’utilise encore aujourd'hui dans mes projets personnels, même après 10 ans !
Cependant, avec le temps, j’ai redéfini mes priorités. J’ai enterré certains rêves et remis en question d’autres, qui se sont révélés irréalisables ou incompatibles avec qui je suis devenu. Ce n’est pas une question de renoncer à ses rêves, mais plutôt de comprendre que ces rêves n’ont pas à être tous accomplis. Certains peuvent évoluer ou prendre une autre direction. Le temps fait bien les choses, et les petites décisions peuvent avoir un impact aussi important que les grandes. Par exemple, le fait de ne pas avoir choisi Ubisoft il y a bien des années m’a permis, à travers une série d’événements, de faire une maîtrise. Peut-être que j’aurais pu faire la même chose en travaillant ailleurs, mais je ne le saurai jamais.
Nous évoluons dans un domaine ultra-compétitif. Nos héros sont souvent des figures comme Steve Jobs, Mark Zuckerberg, ou d'autres qui ont marqué leur époque. On nous pousse constamment vers l'excellence : "travaille après le travail", "construis ton portfolio", "participe à des hackathons ou des game jams", et ainsi de suite. C’est inspirant quand on est jeune et passionné, mais il est important de ne pas tomber dans l'illusion que ce chemin est la seule voie vers la réussite. Si, d’un côté, cela peut être formateur, cela peut aussi devenir épuisant. Cette pression constante peut être source de stress, et elle n’est pas nécessairement saine à long terme.
Il existe un côté toxique dans cette culture de recrutement. On valorise ceux qui peuvent "tenir la distance", ceux qui résistent au "crush" de la compétition. En parallèle, des événements qui se veulent ludiques comme les hackathons peuvent aussi être une manière subtile de faire en sorte que les jeunes talents s’ancrent dans cette culture de la performance, tout en masquant les sacrifices qui y sont liés.
Mais la réalité, c’est qu’il n’y a pas qu’une seule voie. Pourquoi devrions-nous, informaticiens et développeurs, tous viser à être ces génies qui remportent le gros salaire ? Oui, il y en a, et tant mieux pour eux, mais tout le monde n'est pas destiné à cette trajectoire. Gagner beaucoup d'argent vient avec des responsabilités et des sacrifices qu'on ne peut pas toujours mesurer à l'avance. Moi-même, j’ai expérimenté ce chemin au début de ma carrière. Il m’a été formateur, mais aussi épuisant. Même un salaire élevé ne suffisait pas à compenser le temps que je voulais passer ailleurs.
Nous avons le droit de ne pas chercher la gloire. Nous avons le droit de choisir d’être des exécutants, des fonctionnaires, ou tout simplement des programmeurs, tout en étant aussi des parents présents, des amis, ou même des membres actifs d’une guilde World of Warcraft le soir venu. Ce n’est pas parce que l’on choisit une vie plus tranquille qu’on est moins précieux pour la société. Au contraire, souvent, c’est cette stabilité qui permet à d’autres de briller.
Je salue ceux qui ont fait des sacrifices pour réussir, ceux qui se sont battus pour leurs rêves et récoltent aujourd'hui les fruits de leur travail. Ces personnes sont exceptionnelles et indispensables. Mais je critique ceux qui essaient de faire en sorte que tout le monde suive le même modèle. Pour certains d’entre nous, la programmation peut simplement être un moyen de vivre et de subvenir à ses besoins, sans devoir se définir à travers des technologies comme Laravel, ou à travers une carrière de rock star du code.
Ce n’est pas que je rejette l’ambition ou l’excellence, mais je pense qu’il est important de rappeler qu’il existe plusieurs manières d’être épanoui dans son métier. La programmation, comme tant d’autres domaines, peut simplement être un moyen d’accomplir une mission, de participer à des projets intéressants, sans avoir besoin de se sacrifier corps et âme.
La technologie évolue vite, mais il est important de ne pas se laisser submerger par la course effrénée vers l'excellence. Chacun a le droit de suivre son propre rythme et de trouver un équilibre entre sa vie professionnelle et personnelle, sans être jugé par des standards souvent irréalistes. Loin de moi l'idée de dénigrer ceux qui ont trouvé leur place dans cette dynamique. Au contraire, je les respecte et les admire. Mais il est crucial de ne pas imposer cette voie à tous. Nous pouvons être programmateurs, travailleurs acharnés, et avoir d’autres vies, d'autres passions, sans devoir sacrifier notre bien-être dans le processus.